Octobre mois bientôt chauve
Ce mois d'Octobre bientôt chauve instaure son ambiance fantomatique,
Mais malgré sa douce mélancolie il apporte sa luminosité pleine de vie,
Ce mois fauve, rouge et doré, se marie dans la robe blanche de la brume magique,
Laissant la lune, reine de la nuit, se lever dans sa plénitude orange, ravie.
C'est le temps des noix, cachant sous leur peau fine et dorée
Une subtile chair ivoirine à la douce saveur enchantée.
En perspective de la morte saison les arbres éplorés,
Laissent couler leurs larmes de feuilles qu'une bourrasque fait valser.
Dans les bois de feuillus, les chaperons rouges dressent leurs chapeaux écarlates,
La russule jolie, au pied teinté de rose, dégage une odeur de menthol,
Émergeant du matelas d’épines, des coiffes de lutins s’éveillent, spartiates
Les tricholomes équestres, couleur de souffre, attirent le regard comme des lucioles.
« Bourreau des arbres » ou « vigne de Judas » elle envahit les haies et les buissons,
A cette beauté empoisonnée au nom de « réglisse des sorcières » on dit attention,
Elle enlace toute plante de ces guirlandes de fleurs violettes et fruits rouges juxtaposés,
Mais cette dangereuse tentation gustative provoque de graves nausées et diarrhées.
Soudain un cré,cré,cré puissant s’envole de la cime d’un conifère royal,
Serait-ce maître corbeau sur son arbre perché qui goûterait à la douceur automnale,
Que nenni, au sommet des pins ou mélèzes c’est le casse noix moucheté,
Un petit corvidé au plumage chocolat, parsemé de gouttes de lait.
Comme un jouet mécanique, une boule emplumée tourne en montant autour d’un tronc,
A peine vu, déjà disparu, le grimpereau des bois fait son ascension,
Avec son long bec incurvé, il dépiaute les morceaux d’écorce servant de pièges,
Pour dénicher quelques insectes, puis s’envole et recommence son manège.
Tout proche, Robin des bois empanaché de roux, collecte ses réserves,
Sieur Roussel escalade les arbres, vole de cimes en houppiers superbes,
Au royaume des chênes et des hêtres, l’écureuil fait le plein de faines et de glands,
En croque une partie, puis cache le reste pour affronter les disettes du nouvel an.
Dans les jardins, sa myriade de fleurs printanières enchante par sa blancheur,
A l’automne il offre ses baies noires et luisantes en grappes toutes en rondeur,
Alors que grives, tourdes, merles et fauvettes sont les premiers à s’en délecter,
Les humains profitent des vertus culinaires et médicinales du sureau noir buissonnier.
Véritable madeleine d’automne, signe de fécondité et d’amour chez les Crétois,
Cette grosse poire bosselée jaune dégage une agréable odeur âcre et sucrée,
Immangeable crue, cette « pomme de Cydon », accompagnée de sucre vous met en joie,
Arrosés de cassonade, les coings sont succulents au four en pâte ou en gelée.
Dans la forêt, sensiblement de même taille, deux types de pic rivalisent,
Tous deux bigarrés avec le dos noir marqué d’une blancheur exquise,
Le pic mar se distingue par sa calotte rouge vif en forme de perruque,
Alors que celle du pic épeiche est noire avec une moustache à la nuque.
Autre acrobate ne connaissant pas le vertige, la martre des pins,
Qui développe une belle énergie grâce à sa longue queue en guise de balancier,
Campagnols et mulots constituent son menu, avec œufs ou pommes de pin,
Son amie la fouine se démarque par sa bavette jaune en haut de ses pattes élancées.
Celui que l’on surnomme le « piaf » fait partie de notre décor et notre histoire,
Sieur Pierrot au dos brun rayé de noir arbore une calotte grise et une bavette noire,
Dame Moinelle à la robe plus terne s’offre une coquetterie derrière l’oeil au sourcil crème,
L’hiver approchant sera difficile pour les moineaux, alors gardez leur des miettes suprêmes.
Et s’il n’en reste qu’un, il sera celui-là en se fondant dans la tonalité rouille des feuillages,
Malgré un chant moins virevoltant il est un des derniers à s’époumoner dans le jardin,
Son gazouillis lui permet de s’affirmer comme le maître du bailliage,
Le rouge-gorge peu craintif guette une miette de pain plus les jours se font vilains.
Les cheminées crachent à nouveau des volutes alourdies de fumée jaunâtre,
C’est le moment pour le petit char d’assaut a aiguilles de préparer son gîte hivernal,
Ce chevalier en armure entame chaque nuit sa croisade contre les escargots verdâtres,
Le hérisson fourrage en poussant des grognements,
objectif, faire du gras au final.
La brume naissante, bonne conseillère, nous presse de changer de tenue de ville,
En Octobre il faut que l’homme vite s’habille quand le mûrier se déshabille,
Car si Octobre s’emplit de vent, du froid tu pâtiras longtemps,
Les palombes mettant le cap vers la péninsule ibérique à travers le pays occitan.
Les parures végétales flamboient avant de passer la main à l’hiver sans gants,
Ce sursis appelé l’été de la St Martin , saupoudre les montagnes de pourpre et de cuivre,
Une arrière saison mordorée où l’horizon le soir venu s’enlumine de touches de sang.
Le vent apportant des effluves de feuilles en décomposition cherchant à survivre.
Élégant de par son plumage dorsal aux reflets métalliques vert et ses pattes rose foncé,
C’est sa longue et fine huppe noire effilée qui fait la fierté de ce migrateur léger,
Le vent la faisant onduler souplement ou bien lui donnant un air ébouriffé,
C’est par grandes nuées au vol papillonnant que migre loin des frimas le vanneau huppé.
Bête noire des agriculteurs lui reprochant de raffoler des épis de maïs couchés au sol,
Le blaireau, roi des terrassiers, est fort utile à la nature où il détruit souris et campagnols,
Reconnaissable par son dos gris aux poils raides, son museau blanc strié de noir,
Il dort le jour dans sa tanière et creuse, cherchant les verts blancs des hannetons, le soir.
Comme le chante Francis Cabrel,
« Le vent fera craquer les branches
La brume viendra dans sa robe blanche
On ira en haut des collines
Regarder tout ce qu’Octobre illumine ».
L’ ARIÉ…JOIE